La canicule recouvrait la ville d’une chape de plomb. La rue était déserte et quelle ne fut pas ma surprise de voir un quidam franchir le seuil de la galerie où j’exposais mes peintures !
Ce visiteur se présenta : il se nommait FRED LAUREYNS et il était sculpteur.
Une conversation s’engagea, qui fut riche d’échanges. J’ai aimé l’écouter me parler de son métier de sculpteur. Rapidement, j’ai saisi la passion qui anime son art et hante ses jours et ses nuits de création.
La démarche créative de FRED est soutenue dans l’expression de ses thèmes par une profonde connaissance des techniques de son art.
Ce natif des Flandres est loin d’être un débutant. En effet, des études aux Beaux-Arts d’EEKLO, de GAND, d’ANVERS et de LOUVAIN furent un cursus classique qui permit à FRED de se perfectionner dans les techniques rudes de la sculpture sur pierre et de celle du bois. Le moulage et la fonte du bronze complètent l’ensemble de ses compétences.
Ainsi, le domaine de FRED, c’est aussi le bronze, avec ses ciselures et ses patines, une pratique rare chez les sculpteurs. Dans son atelier, un espace est réservé à sa fonderie. Ses connaissances acquises au cours d’années d’expériences lui permettent aujourd’hui de pouvoir s’exprimer et de créer sans contrainte technique.
Chez ce sculpteur, vous ne trouverez pas de concession flatteuse ou complaisante dans son art, mais le souci constant et la ferme volonté d’exprimer les réalités profondes des valeurs de l’Humanité.
La recherche plastique de FRED est obnubilée par l’Homme, son origine, son vécu, ses errances , sa destinée… Tel est son credo.
Cette recherche incessante trouve ses origines aussi bien dans le cairn de GAVRINIS, les alignements de CARNAC, de LOCMARIAQUER dans le Morbihan ou de l’aire circulaire de STONEHENGE en Angleterre. Pour retrouver la symbolique monolithique de l’origine et de la trace de l’Homme, c’est en BRETAGNE que FRED est venu s’y confronter et y vivre proche de la mythologie et de l’expression de cultures millénaires.
Entre réflexion et action naît dans son atelier le fruit de son exigeante recherche. Au-delà des symboles, sous ses doigts, la glaise modelée nous parle de la Vie, de la Mort, de l’Infini et surtout de l’Amour de son prochain.
Qui suis-je, qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous ? Éternelles questions auxquelles FRED, avec ses moyens, cherche à répondre, comme ces artistes qui dans le passé furent en leur temps préoccupés par de telles introspections.
Si ce n’est déjà fait, je vous invite à rencontrer l’homme et son œuvre qui naît sous le regard bienveillant des Saints des Calvaires Bretons.
FRED LAUREYNS : QUAND LA MATIERE A DE L’ESPRIT
Tout artiste met au monde des êtres singuliers auxquels il s’est donné sans réserve. Fred Laureyns est de ceux qui, moins que cherchant à exalter leur ego, ont recours à ce qu’il y a en eux de plus profond. Quitte à mettre en retrait leur personnalité pour que de l’ombre de ce qu’elle masque se lève une énergie native, un souffle d’universel. Ainsi naîtra de l’inconnu, une œuvre d’art, un objet en lequel un artiste a soufflé de l’esprit.
C’est ainsi que nous viennent des œuvres qui nous touchent parce qu’elles nous font signe d’une présence vivante, semblent provenir de mythologies anciennes, sont des avatars d’archétypes. Signe, c’est-à-dire, présence et sens. Oui, cela a du sens, cela fait sens. Ce qu’indique le titre, souvent. Non par prétention, étiquetage artificiel, mais pour signifier l’engagement de l’artiste en telle œuvre particulière dans l’intensité, la sensibilité, l’intelligence d’une vie qui ne s’en tient pas à sa particularité.
L’œuvre, nous plaisant, séduisant, nous fait signe par sa présence. Et, plus discrètement par le sens qu’elle porte, qui d’elle rayonne pour peu qu’on sache l’accueillir sans préjugé. Ici Fred Laureyns nous guide par des titres : Mein zao et nous voici sur notre terre de pierres levées, Tête de Christ et c’est moins référence religieuse que douleur sacrificielle, Le Baptême ou La Table ronde et c’est le grand rituel des Chevaliers ; La Cérémonie, La Pesée des âmes, Les Maîtres de sagesse, Bridge to Heaven, Boat to Heaven et c’est la religion, la mythologie qu’on voudra. Et si Pénélope et Victor Hugo sont proches c’est qu’ils appartiennent l’un et l’autre à cette culture universelle qui ne dépend ni des lieux ni des âges.
Le jeu des formes est ample, autant que celui des matières. Ici une forme épurée qui tient de l’art abstrait, ailleurs une main, une tête, une coupe, une couronne d’épines, une série de totems. Ici le bois taillé, une pièce de bronze coulée par le sculpteur lui-même ; là des assemblages, “collages” de pièces diverses. En amont ce sont, le plus souvent au fil d’un cahier, des notes comme d’un journal intime ou aide-mémoire, idées en mots ou en dessins, déjà œuvres graphiques, art en émergence, premier mouvement d’une création en éveil.
Dans la diversité nous apparaît l’unité d’une démarche en exploration de symboles archaïques mais éternels, l’avancée en équilibre d’un artiste sur une ligne “spirituelle” (selon le terme que ne craignait pas d’employer Vassily Kandinsky au début du vingtième siècle). Ainsi Fred Laureyns, en sa quête d’artiste qui ne se laisse pas contraindre par quelque catégorie que ce soit, peut-il se dire “inspiré par les anciennes cultures, la mythologie, les sources de la vie simple, les rites », et se ressourçant “auprès des archétypes de l’Humanité.” Ainsi un tel art, en ce qu’il témoigne d’éternel, d’essentiel, est-il porteur de lumière.
